top of page

Dark Vador et les caractéristiques du borderline

L’idée d’un psychiatre cinéphile

Quand j’étais petite, comme beaucoup d’enfants, Dark Vador me faisait un peu peur. Ce personnage sans visage, sans regard, à la respiration quasi-artificielle et ayant pour seule dimension humaine la parole ; cet être de métal noir me procurait un mélange de peur et de fascination. Ce qui m’intriguait surtout c’était qu’il puisse être le père de Luc Skywalker. Comment cela était-il possible ? Tout semblait les séparer.

La peur de perdre l’autre mène du côté obscure de la force. La vengeance des Sith

Des années plus tard je fus totalement fascinée par l’épisode IV, La Vengeance des Sith car enfin tout allait nous être révélé à propos de cette mystérieuse filiation.

Cette remontée dans le temps, la découverte des événements cruciaux de la vie de Dark Vador furent finalement le même processus que celui d’une psychothérapie. Les divers informations recueillies me permettraient de faire des ponts entre passé et présent et donneraient enfin du sens à ce qui auparavant paraissait inexplicable, obscure et confus.


C’est le Docteur Éric Bui, chef de clinique au pôle psychiatrique du CHU-Toulouse qui eu l’idée d’illustrer le Trouble de la personnalité borderline avec le personnage de Anakin Skywalker. Si on étudie de plus près ce personnage en s’appuyant sur la grille de lecture du DSM IV, Anakin manifesterait 6 des 9 critères possibles permettant poser ce diagnostic.


Dark Vador dans mon cabinet de consultations

Pour mieux comprendre l’hypothèse du Docteur Bui, j’eu l’idée d’imaginer Dark Vador entrant dans mon cabinet de psychothérapie. Bien entendu il me faudrait gérer mon stress car il est fort probable que je ressente un certain malaise en sa présence. Ce malaise m’interpellerait et m’amènerait à me poser certainement très vite une question essentielle : « suis-je en présence d’une personnalité borderline ou d’un pervers-narcissique? » Et il me faudrait avoir un embryon de réponse afin de savoir, à la fin de la consultation, si oui ou non je décidais de suivre ce patient.

Il me faudra donc l’aider à parler de lui et de son passé. Connaître ses traumatismes, ses blessures. On peut imaginer qu’il soit suffisamment en confiance pour se livrer.


Que me raconterai-t-il ?

Il me parlerait de celui qu’il était avant….avant de devenir Dark Vador. Il me parlerait donc de ANAKIN SKYWALKER.

Il me raconterait qu’à cette époque, il était un jeune homme « jusqueboutiste », mais connaissant la peur et le doute, (’est d’ailleurs ce qui fera hésiter maitre Yoda à l’initier) qu’il avait un grand maitre OBI-WAN KENOBI. Cet enseignement qu’il reçu était important pour lui, cela donnait un sens à sa vie, un équilibre, une morale. Puis un jour tout bascule…le jour où il apprend qu’il va être père. Ce jour là les angoisses apparaissent. Il fait un cauchemar déterminant pour sa destinée : il rêve que sa femme PADME meurt en couche. Les angoisses d’abandon s’installent. Il fait de ce cauchemar une obsession, persuadé qu’il s’agit d’une vision de l’avenir. Sauf que dans son angoisse il ne prend pas le temps d’envisager une autre interprétation.

L’angoisse de la perte devient sa faille, sa fragilité et c’est ainsi que les forces de l’ombre réussissent à le manipuler et à obtenir ce basculement de conscience. Son angoisse de perte du lien le mène à accepter des actes que jamais auparavant il n’aurait admis. Petit à petit, il bascule, se perd et devient DARK VADOR.

Toujours en imaginant Dark Vador sur mon canapé, en tant que spécialiste de l’accompagnement des personnalités Borderlines je ne pourrais donc m’empêcher de faire des liens et de tenter de noter les nombreuses caractéristiques dont ANAKIN serait porteur.


Anakin, borderline ? Demonstration en 6 points

Reprenons ensemble les items du DSM IV


1. Le borderline fait « des efforts effrénés pour éviter un abandon réel ou imaginé »

Le décès d’un être cher peu être vécu comme un abandon. Anakin est paniqué à l’idée de perdre Padmé. Son rêve n’est pas un rêve prémonitoire mais l’expression de sa peur la plus profonde. Il va donc tout faire pour éviter la mort de sa femme mais c’est justement ce qui va les séparer. Nous avons ici la confirmation qu’Anakin souffre d’angoisses d’abandon. Et ces angoisses prennent racines dans un événement majeur de sa vie : la mort de sa mère alors qu’il était encore très jeune. Ajoutons à cela une absence de père.


2. Le borderline a des relations interpersonnelles instables et intenses, caractérisées par l’alternance entre positions extrêmes d’idéalisation et de dévalorisation (clivage)

Le borderline va chercher à l’extérieur ce qu’il n’arrive pas à se donner à lui-même telles que

  • l’estime de soi

  • l’approbation

  • la reconnaissance

  • une consistance identitaire

Comme le borderline ne s’aime pas, ne s’estime pas, il va douter de l’amour que son entourage lui porte. Il va alors guetter les moindres indices prouvant qu’en effet on ne l’aime pas vraiment.

Anakin admire et estime beaucoup son maitre et initiateur OBI-WAN KENOBI. Mais lorsque Anakin est en proie à ses angoisses, la vision qu’il a de son maitre change. C’est ainsi que OBI-WAN KENOBI n’est plus l’être ideal, n’est plus la référence mais un homme encombrant. Encombrant car ramenant Anakin à la raison et n’alimentant aucunement les passions.

Anakin va ainsi illustrer parfaitement comment un autre, aux yeux du borderline, passe du bon objet au mauvais objet. Le fameux « Tout ou rien ».

Par peur de l’abandon le borderline peut quitter avant d’être quitté. Dans l’histoire de Dark Vador nous pouvons très clairement voir une répétition de situation ou répétition de traumatismes dans le transgénérationnel : Anakin abandonne ses enfants, Luke et Leia, comme lui-même a été abandonné par son propre père.


3. Le borderline à une perturbation de l’identité : instabilité marquée et persistante de l’image ou de la notion de soi. Le sentiment chronique de vide.

En l’absence de consistance identitaire, le borderline sera balloté par le regard que les uns et les autres portent sur lui. Il recherche constamment un appui car, ayant été souvent déçu, il ne fait plus confiance à quiconque.
Si on se réfère au triangle de Karpman (bourreau-victime-sauveur), il en ressort que le borderline est soit victime, soit sauveur.

Mais lorsque la détestation de soi-même et le sentiment de vide arrivent à leur paroxysme alors le borderline peut devenir bourreau. Anakin a une faible estime de soi et ne supporte pas que d’autres doutent de lui. Il a constamment besoin de reconnaissance pour être rassuré.

Il tente également de combler le sentiment de vide avec le coté obscure de la force. La dimension lumineuse et noble ne lui suffit plus. Il lui en faut plus encore. La soif de pouvoir remplit le vide intérieur.


4. Le borderline est impulsif dans au moins deux domaines potentiellement dommageables (dépenses compulsives, sexualité, toxicomanie, conduites à risque, troubles alimentaires)

Selon le Docteur Bui, Anakin utilise le coté obscure de la force comme une drogue. Il lui en faut encore plus afin de tranquilliser son angoisse de perte. Une fois qu’il goute à ce pouvoir il ne peut plus s’en passer.


5. Le borderline souffre d’une répétition de comportements, de gestes, de menaces suicidaires ou d’automutilations

Lorsque le borderline perçoit des messages (réels ou imaginés) de risques d’abandon, il va à sa façon, mettre en place un appel à l’aide (que nous pouvons prendre pour du chantage ou de la manipulation). En ce faisant du mal, le borderline, tente à la fois de faire taire sa souffrance et de faire revenir l’être aimé.

C’est là aussi parfaitement illustré par le comportement de Anakin dans tout ce chapitre de la Revanche des Sith. Il n’est motivé que par une chose : tout faire pour ne pas perdre sa femme. Il va donc manipuler, menacer, basculer du côté obscur de la force pour trouver le pouvoir lui permettant de déjouer le destin. Et c’est ainsi qu’il court à sa perte et celle de sa femme.


6. Le borderline souffre d’instabilité affective due à une réactivité marquée de l’humeur

Le borderline peut passer de la colère à la dépression. De la dépression à l’irritabilité. De l’irritabilité à l’anxiété. C’est pourquoi notamment les TPL (les borderlines) sont confondus avec le trouble bipolaire.

Anakin illustre constamment ceci. Il manifestera régulièrement des colères rentrées, des agacements et de la vexation. Les déclencheurs en seront soit le sentiment d’être dévalorisé (par ses pairs notamment) soit l’angoisse d’abandon.

Et lorsque Anakin devient Dark Vador, lorsqu’il veut savoir ce qu’il est advenu de sa bien-aimée, on lui dira « Il semblerait que votre colère l’ait tué »

La colère de Anakin, masquant sa peur de la perte de l’être cher, l’a fait basculé du mauvais côté et a entrainé la mort de sa femme. On peut y voir la métaphore du processus autodestructeur du borderline.


Anakin le borderline, Dark Vador le pervers-narcissique

Si nous revenons à mon patient du moment, Dark Vador. Je n’ai donc pas face à moi un Anakin perdu, apeuré, angoissé, appelant à l’aide avec une personnalité attachante comme peut l’être le borderline. Mais j’ai face à moi Dark Vador. C’est à dire un être qui, à cause de ses divers traumatismes et de son angoisse d’abandon a basculé beaucoup plus loin dans la souffrance. En étudiant d’un peu plus prêt Dark Vador je me suis aperçue qu’il manifestait toutes les caractéristiques du Pervers-Narcissique : manipulation, soif de pouvoir, absence d’empathie, relation à l’objet (l’autre n’est qu’un pion qu’il utilise à ses fins), faux-self, domination…

Je déciderais donc de ne pas accompagner Dark Vador en thérapie car nous le savons bien, il est délicat voir déconseiller aux psychothérapeutes d’accompagner les pervers-narcissiques car tôt ou tard ces derniers se retournent contre leur thérapeute. Ainsi le thérapeute peut se retrouver victime de son patient : harcèlement, manipulation, menace, déstabilisation.

En revanche j’aurais aimé accompagner Anakin lorsqu’il en était encore temps. Ainsi j’aime à imaginer quel merveilleux Jedi il aurait pu devenir s’il avait été suivi en psychothérapie. Bien plus puissant encore que OBI-WAN KENOBI, bien plus sage car enrichit de son expérience et de sa sensibilité de Borderline guéri.

Et ainsi on aurait pu lire ou entendre « Il y a longtemps dans une galaxie lointaine très lointaine »….un grand Jedi mis fin à la Guerre des Etoiles. Tout le monde se souvient de lui pour sa sensibilité, son humanité et son courage. Anakin restera pour toujours dans les mémoires… »


Texte tiré de la conférence « Dark Vador et les caractéristiques du borderline » dans le cadre du séminaire « Le pouvoir des arts et des âmes » - 27 janvier 2015, Lisbonne, Université Populaire C3

Géraldyne Prévot Gigant ©

Tous droits réservés. Reproduction interdite sans l’accord de l’auteur

Star War, Episode 3, La revanche des Sith, George Lucas, 2005

bottom of page