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Dating fatigue, le grand ras-le-bol des applis de rencontre

Les applis et sites de rencontres sont devenus incontournables dans la vie des célibataires à la recherche de l’âme sœur. Pourtant, après quelques mois ou quelques années d’utilisation, nombreux sont ceux qui déchantent et s’en détournent, comme « usés » par ces outils numériques. Les algorithmes sont-ils vraiment l’avenir de la rencontre amoureuse ?

Interview de Géraldyne Prévot Gigant pour PSYCHOLOGIES par Claire Sejournet.


« A chaque inscription, c’est la même excitation, le même espoir, la même volonté d’aller de l’avant, et le même investissement avant, pour créer le profil, pendant, pour écrire et répondre de façon personnalisée, et après, lorsque les échanges aboutissent à un rendez-vous, raconte Charles. Mais au final, cet espoir d’une vie meilleure retombe à la fin de chaque abonnement, en parallèle des râteaux et des ratios messages envoyés/messages reçus dignes d’un sketch. » Les applications de rencontres sont de véritables montagnes russes émotionnelles. Et pour les célibataires qui s’y inscrivent, cela finit par être difficile à vivre. Trentenaire célibataire familière des applis de rencontre, la journaliste Judith Duportail nomme ce ressenti « dating fatigue » et le définit comme « le sentiment de mort qui durcit au sein de [notre] cœur lorsqu’il nous semble avoir emprunté pour la millième fois le même ascenseur émotionnel, entre espoir, date, projection, ghosting et déception ». Dans son livre Dating fatigue (éditions de l’Observatoire, 2021), elle analyse la complexité de l’amour dans les années 2020. Entre la déferlante #MeToo, les revendications féministes et les questionnements de genre et d’identité, la recherche de l’amour est déjà bien complexe. Mais les sites et applis de rencontres redistribuent aussi les cartes en bousculant radicalement le principe même de la rencontre amoureuse.


Rencontres 2.0, un écran entre l’autre et soi

Il suffit de quelques clics pour se créer un profil sur des sites ou applis de rencontres. A partir de là, chacun est seul face à son écran pour s’engager dans la quête du partenaire idéal en se basant sur quelques photos. « Beaucoup d’utilisateurs souffrent d’être réduits à une image, analyse la psychologue Géraldyne Prévot Gigant. On peut très vite passer à côté des personnes en ne s’arrêtant que sur l’apparence. Mais aller au-delà est difficile. Parmi mes patients, beaucoup me font part de la pauvreté des conversations sur les applis de rencontres. » Ce n’est pas Christelle qui dira le contraire : « les hommes m’ont très souvent abordée de façon basique, par le classique ‘salut ça va ?’, parfois bourré de fautes alors qu’il n’y a que 3 mots. Sachant qu’il pouvait m’arriver d’avoir une dizaine de messages par jour, cela ne permet pas de ‘départager’ les messieurs… ». Trouver quelqu’un beau sur une photo ne suffit pas à créer du lien, constate Agnès : « les rares beaux gosses avec qui j’ai entamé la conversation se sont vite lassés. Ou bien c’est moi qui ai lâché l’affaire par manque de centres d’intérêt communs ». « C'est très chronophage de passer ses soirées à répondre aux mêmes questions. Il faut être créatif », ajoute Bruno, qui ne supporte plus « le sempiternel ‘Et toi’ qui conclut régulièrement les échanges ». En valorisant le visuel et en limitant les informations disponibles sur les personnes que l’on voit apparaître sur l’écran, les applis et de sites de rencontres déshumanisent, pointe Géraldyne Prévot Gigant : « certains utilisateurs sont victimes des clichés relatifs à leur physique ou à leur profession. On les élimine alors que l’on ne les connait pas et qu’on ne connait pas leur chemin de vie ». Sachant que la moitié des utilisateurs mettent moins de 30 secondes à décider si swiper à droite ou à gauche (signifier son intérêt ou non pour la personne présentée par l’appli), et que 20% des femmes mettent même moins de 5 secondes…


Applis et sites de rencontre : la solitude de nos vies numériques


La présentation de potentiels partenaires en fonction de critères définis n’est pas nouvelle, les agences matrimoniales en avaient déjà fait la base de leur activité. Mais la différence tient dans le fait que le catalogue est désormais directement à portée de main : « nous sommes dans une société consumériste, constate Géraldyne Prévot Gigant. Il existe une appli pour tout, en clic on obtient ce que l’on veut. Et en un clic, on se débarrasse de ce que l’on ne veut plus ». Sur les applis de rencontre, cela revient souvent à « ghoster », autrement dit à ne plus répondre aux messages et donc à disparaître de la conversation. Si certains agissent avec désinvolture, d’autres peuvent aussi ghoster parce qu’ils se sentent démunis et ne savent pas dire non. Le résultat est le même et il fait mal : « c’est un comportement très violent, insiste la psychologue. Celui qui se comporte ainsi ne s’en rend pas forcément compte, mais celui qui reste sans nouvelles est blessé. Et selon son rapport à la problématique d’abandon, ses failles narcissiques et son estime de lui-même, les conséquences peuvent être importantes. La répétition de cette situation peut créer de la déstabilisation et changer la perception de soi. Il faut être vigilant ». Pour Géraldyne Prévot Gigant, il est évident que le smartphone permet un contact rapide, mais qu’il nous amène parfois à traiter l’autre comme un objet parce que l’on passe par un objet pour être en contact. « Tout est allé très vite dans les usages numériques. Nous ne sommes pas éduqués à une certaine élégance, une certaine éthique relationnelle ». (...)





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