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Pourquoi nous sommes attirés par les relations toxiques ?

Pourquoi ignorons-nous les signaux dans les relations toxiques ? Qu’est-ce qui peut bien nous attirer autant dans les rapports amoureux malsains ?  L'éclairage de Géraldyne Prevot-Gigant, spécialiste des rapports amoureux et de la dépendance affective. 

Par Margaud Ravard pour ELLE.fr


couple d'amoureux relation toxique

ELLE. Comment reconnaître une relation toxique, quels sont les « redflags » ?  

Géraldyne Prévot-Gigant. Parmi les signaux, on peut d’abord mentionner un malaise qui s’installe sur la durée, une mauvaise communication (ambivalente), ou encore le sentiment d’être la mauvaise personne et de se sentir rapetissé·e. Dans une relation toxique, il n’y pas d’altérité. Il y a aussi la manipulation, qui n’est pas forcément consciente car cela dépend des profils psychologiques. Certaines personnes vont consciemment manipuler l’autre pour obtenir ce qu’ils veulent et d’autres vont manipuler par dépendance affective, afin de s’assurer leur amour, leur intérêt… 

Précisons que dans une relation toxique, il peut y avoir un partenaire avec des problématiques de narcissisme pathologique, qui va avoir besoin qu’on soit dépendant de lui, qu’on l’admire. Mais une relation peut aussi virer à la toxicité car une personne dépendante affectivement va mettre en place des dépendances par peur de perdre l’autre.  


ELLE. Pourquoi nous arrive-t-il d’être attiré·e par les relations toxiques ?  

G.P-G. On peut être attiré·e par des relations avec une personne narcissique par exemple, parce qu’on admire les gens qui osent, qui en imposent, qui nous paraissent fort. Ces personnes peuvent contrebalancer nos propres insécurités. Mais quelqu’un qui rêve d’avoir confiance en lui peut également surinvestir une relation avec une personne très sûre d’elle, sans que cette dernière ne soit forcément narcissique. Cette idolâtrie et ce désir d’un amour fusionnel va mettre l’autre dans une posture de narcissique alors qu’il ne l’est pas. C’est une autre option de la toxicité.  


ELLE. Est-ce que l’on fait ça consciemment ? 

G.P-G. Il arrive souvent que l’on ne voit pas les signaux, parce qu’on a grandi dans un environnement avec un parent toxique, par exemple. Nos « redflags » sont détériorés et ne se manifestent pas. On va être attiré·e ou on va laisser entrer dans notre vie quelqu’un avec des comportements nocifs sans s’en rendre compte parce que ces comportements ont été banalisés. Imaginons qu’un parent ait mis en place des injonctions, des communications ambivalentes, des sous-entendus, des propos rabaissant, des manipulations. Pour nous, c’est banal.   


ELLE. On pense souvent que pour vivre une histoire qui vaut le coup, il faut qu’elle soit passionnelle. Mais on confond souvent la toxicité avec la passion.  

G.P-G. Beaucoup de personnes pensent qu’une vraie histoire d’amour n’est possible qu’avec de la passion. Et quand elles parlent de passion, elles pensent à quelque chose qui détruit. En fait, on peut vivre une histoire profonde et durable, une forme de passion constructive. Cet amour-là ne fait pas mal.  

Quand on se retrouve en prise avec des personnes toxiques, on va se raconter qu’on est en train de vivre la folle histoire de notre vie et que cela justifie notre mal. Au début, on aura toujours une peur de perdre de l’autre, une incertitude mais pas de grosses angoisses répétées car la personne disparaît ou ne communique de manière régulière par messages. On va confondre l’angoisse et l’amour, l’amour et la passion destructrice.  


ELLE. Car l’amour est censé faire souffrir ?  

G.P-G. Cela répond aussi à une croyance distillée dans nos esprits par les films romantiques. Soit l’amour passionnel nous rend exsangue et la relation toxique nous détruit, soit on rencontre un mec gentil avec qui on s’ennuie sec. On peut rencontrer quelqu’un de sain avec qui on vit quelque chose de fort mais cette donnée semble absente de l’inconscient féminin, probablement à cause de notre éducation, de ce qu’on lit, des fictions… On nous apprend que l’amour fait souffrir.  


ELLE. Est-ce qu’on peut être attiré·e par une relation toxique parce que l’on pense être capable de soigner l’autre ?  

G.P-G. Il arrive que l’on soit persuadé·e que l’on ne peut pas rencontrer mieux. On sublime la personne : c’est notre histoire et il n’y en aura pas d’autres. Beaucoup de personnes  dépendantes affectives vont tenir un discours comme : « Je vais changer l’autre avec mon amour car je suis différent·e » ou « Je pensais que j’allais le ou la changer avec mon amour, personne ne l’a aimé·e autant que moi ». On ne peut pas transformer l’autre, mais on se raconte cette histoire parce que l’on est déjà absorbé·e par ces comportements toxiques qui font écho à nos blessures.  


ELLE. Quels sont les conséquences sur la personne engagée dans une relation toxique contre son gré ?  

G.P-G. La personne est constamment encombré·e car la relation contamine son espace psychique. On peut être amené·e à douter de ce que l’on dit, de ce que l’on fait. Cela anéantit notre spontanéité et nous force à interpréter les faits et gestes de l’autre.  


ELLE. Et peut-elle recréer des schémas toxiques dans les relations futures ?  

G.P-G. Elle peut développer une difficulté à faire confiance, une sur-interprétation, des doutes de la sincérité de l’autre. En bref, une non-détente et un stress dans ses autres relations. « A quel moment cette relation qui semble être harmonieuse va devenir toxique, comme celle que j’ai vécu avant ? ». Il peut y avoir des phénomènes de répétition parce qu’on attire parfois le même profil de personnes suivant notre personnalité.


Pour aller plus loin avec Géraldyne



50 exercices pour se libérer des relations toxiques

 Nous ne sommes jamais préparés à vivre une relation toxique. Quel que soit le cadre de la relation, lorsque nous rencontrons quelqu'un et nouons un lien, nous avançons en confiance puisque nous cherchons, spécialement dans un cadre sentimental, à donner le meilleur de nous-même, à plaire, à vivre tout intensément. Se rendre compte que la relation est étouffante, que quelque chose nous met mal à l'aise, nous heurte ou nous blesse, implique une prise de recul que nous ne sommes malheureusement capable d'effectuer que trop tard, après que le mal-être, la souffrance et la perte de confiance en soi aient causé des dégâts. À travers ces 50 exercices, la psychopraticienne Géraldyne Prévot-Gigant nous invite à faire le point sur notre relation, à détecter en quoi elle est toxique et à nous donner les clés pour nous en libérer.




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