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Priscilla de Sofia Coppola, un amour toxique



Priscilla et Elvis Presley dans Priscilla de Sofia Coppola
Priscilla de Sofia Coppola

S’il y a bien un film actuellement pour illustrer mon nouveau cahier 50 exercices pour se libérer des relations toxiques, c’est Priscilla écrit et réalisé par Sofia Coppola et basé sur les mémoires de Priscilla Presley. En plus d'une radiographie d'un amour toxique, ce film est également une étude des moeurs et de la position de la Femme entre 1960 et 1975, mais étrangement on s'y retrouve comme si rien n'avait changé, ou si peu.


Pour qui aime les films de Sofia Coppola, on se plaira à retrouver son thème récurrent : l’adolescence, l'isolement et l’ennui. Et comme toujours on plonge dans une forte sensorialité comme avec les pieds blancs de Priscilla qui s’enfoncent dans un tapis moelleux rose fuchsia, ses pulls doux en mohair qui rappellent son innocence et le cocon familial, ses talons laissant des marques sur la moquette blanche du King, la laque à profusion dont on sent presque l’odeur tout comme celle du vernis. 


Nous sommes avec Priscilla 15 ans, représentative de la jeune fille du début des années 60, séduite par Elvis, 24 ans. Nous sommes à une époque où les adultes ferment les yeux sur la différence d'âge (à partir du moment où leur progéniture reste vierge, l'honneur est sauf). Personne ne trouve étrange l'intérêt soudain de la star pour une collégienne de presque 10 ans de moins que lui et mineure de surcroit. Au contraire tout le monde est flatté.


Il ne nous faut qu’une scène, celle de la rencontre, pour comprendre qu’Elvis est toxique pour toute personne qui l’approche. Son besoin de briller, d’être au centre et d'être adulé est visible d’entrée de jeu. Nous savons que Priscilla va y perdre des plumes et nous savons que la star en est le prédateur. 


La jeune fille est peu à peu emportée dans cette histoire dont on voit bien qu’elle a du mal à y croire. Au départ, elle se demande ce que la star lui trouve mais décide tout de même d’être emportée par ses sentiments. 

Sentiments que nous pouvons interroger : qu'en aurait-il été si Elvis avait été un parfait inconnu. J'avancerais plutôt que Priscilla se croit amoureuse alors qu'elle est fascinée puis sous influence.


Après un an d'attente, Elvis décide de faire entrer la jeune fille dans sa demeure. En fait elle entre dans une cage dorée dont la porte reste ouverte mais elle est prisonnière psychologiquement. D’ailleurs il ne nous aura pas échappé que le portail de la demeure de la star, avec son coté ajouré,  ressemble étrangement à une cage à oiseaux. L’adolescente interprétée par Cailee Spaeny (récompensée à la Mostra de Venise) se retrouve éprise d’Elvis en un rien de temps et rapidement en place parmi les trophées. 


Lorsque Priscilla est dans la tour d’ivoire du King, elle est déjà sous emprise. On le comprend aux scènes où Elvis l'initie tantôt aux drogues tantôt au sexe. Elle va vivre alors des humiliations à répétition, elle n’est de toute façon qu’un objet comme l'illustre parfaitement la séance photo où la jeune femme est à genoux aux pieds de son roi.


Tout y est en matière de relation toxique : Elvis (remarquablement interprété par Jacob Elordi qui nous avait également éblouis en terrible narcissique dans la grandiose série Euphoria) domine, contrôle la relation, décide de tout, fait attendre, crée la dépendance, ment, menace, souffle le chaud et le froid, est inconstant et violent. 


Sofia Coppola s'est intéressée à la vie intime de ses protagonistes. Son film est l'anti-thèse du film de Baz Luhrmann qui s'est intéressé au personnage public; pour preuve Sofia Coppola filme Elvis sur scène depuis les coulisses avec le chanteur de dos en contre-jour tandis que Baz Luhrmann saisit le King majoritairement de face dans la lumière depuis la salle.


Si vous voulez avoir une illustration d’une relation toxique Priscilla est à ne pas manquer. 

Certains critiques ont reproché à Sofia Coppola d’effleurer son sujet comme d’habitude. Ceci n’est pas de l’avis de tout le monde, et pas du mien on l'aura compris, car c’est justement son talent, non pas d'effleurer mais de souligner avec élégance les tourments de ces personnages. C'est un film auquel on repense souvent avec des détails puissants et des scènes qui reviennent en mémoire. Tout est en nuance la mécanique d'un amour toxique est savamment révélée. C'est une oeuvre qui restera tant elle nous parle de deux époques l'avant et après 68 mais aussi de la nôtre. C'est un film particulièrement actuel qui traite également de l'abus de pouvoir dans le couple et celui des stars.


Géraldyne Prévot Gigant


 

Pour aller plus loin :


50 exercices pour se libérer des relations toxiques



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